Introduction
L’histoire de Charenton-le-Pont s’associe naturellement à la présence de la Seine et de la Marne, assurant ainsi un premier foyer de peuplement dès le Néolithique. Des fouilles archéologiques menées dans les années 1990 ont mis au jour plusieurs pirogues et de nombreux autres objets de la vie quotidienne datant de 4500 ans avant notre ère. Ces objets, aujourd’hui conservés au Musée Carnavalet (Paris 3e), font partie des plus anciennes traces d’habitation trouvées en région parisienne.
La construction du pont sur la Marne, dont on trouve la mention dans les mémoires de Jules César, en fait dès la fin de l’Antiquité un lieu stratégique d’un point de vue militaire, politique et économique. De plus, la situation de la ville aux portes de Paris, à proximité de Vincennes, a été déterminante pour son développement. C’est ainsi qu’elle a donc accueilli, au cours des siècles, de nombreux personnages proches du pouvoir central, habitant les châteaux, les riches demeures et couvents. Au XIXème siècle, l’arrivée du chemin de fer a profondément bouleversé le visage de la ville, facteur d’industrialisation et d’urbanisation. Les Entrepôts de Bercy ou Magasins généraux (à cheval sur Paris et Charenton) virent le jour et la population fut multipliée par 10 en seulement 50 ans. Le XXème siècle a été quant à lui, celui des grandes opérations de renouvellement urbain et routier ainsi que celui du passage à une économie centrée sur le tertiaire.
Le Moyen-Age et l’époque moderne
Dès le VIe siècle, on trouve la première mention du pont de Charenton dans des écrits monastiques. Point stratégique de la plus haute importance, cet édifice conditionnait en effet l’accès à Paris.
Germain. Gravure du XVIIIe siècle, Arch. Mun. Charenton.
De plus, le pont constituait l’aboutissement des routes de Champagne et de Bourgogne où se tenaient les plus grandes foires économiques européennes de l’époque. Il relie aujourd’hui Charenton à Maisons-Alfort et la petite histoire dit qu’il aurait été reconstruit 18 fois jusqu’à nos jours.
Trois villages et un domaine ont constitué Charenton :
• le Bourg-de-Charenton ou Bourg-du-Pont était localisé à la sortie du pont,
• le village des Carrières qui s’étendait le long de la Seine et de la Marne,
• le village de Conflans et son château en remontant vers le nord,
• le domaine de Bercy avec son château situé à l’ouest du territoire.
Plan terrier des seigneuries de la Grange aux Merciers de Bercy, de Conflans, du Bourg de Charenton et autres lieux.
Levé géométrique par E. Benoist, ingénieur géographe, 1770. AD94
Le Bourg-du-Pont se développa essentiellement au XVIIe siècle où il fut doté d'un marché hebdomadaire, d'une poste aux chevaux et de la Justice seigneuriale. Cette localité devait l'essentiel de son activité à la présence d'auberges, cabarets et autres débits de boissons, nombreux sur le chemin menant à Paris.
A l’extrémité occidentale du square, à l'emplacement actuel de la place de Valois, la Marquise du Plessis-Bellière avait fait construire vers 1640 un hôtel qui ouvrait sur la vallée de la Marne. La marquise fut à l’origine de salons littéraires très cotés et tout ce qui comptait comme artistes et de gens de lettres de son époque se pressèrent en sa demeure. Son hôtel fut démoli en 1937 afin de permettre la continuation de la ligne 8 du métro.
Gravure. Dessin de Germain. XVIIIe siècle. Arch. Mun. Charenton.
La porte fortifiée du Bourg franchie sur le chemin de Paris, le Pavillon du Cadran dominait depuis le XVIe siècle le paysage charentonnais. Reconstruit au début du XVIIe siècle, c'est aujourd'hui l'Hôtel de Ville.
Le bourg des Carrières de Charenton fut baptisé ainsi en raison de l’activité d’extraction de la pierre de liais (une pierre calcaire) que l’on y pratiquait. Site naturel de déchargement, on y trouva très tôt des activités liées au commerce des vins, bois et céréales alimentant les moulins de la contrée. Toute une population dont les métiers étaient en rapport avec la rivière s’y implanta jusqu’à la fin du XIXe siècle : blanchisseurs, mariniers, bateleurs… L'importance croissante de la navigation en assura, dès le XVIIe siècle, l'essor économique.
Le village de Conflans doit son nom à la déformation du mot "confluent" puisqu’il est en effet situé à la jonction de la Seine et de la Marne. Ce bourg fut voué à la vie religieuse et aristocratique, offrant ainsi un saisissant contraste avec les Carrières. Siège de la paroisse, l'église Saint-Pierre établie à cet endroit depuis le Moyen-Age, dressait son clocher au nord du château. Attestée depuis le XIe siècle, l'ancienne résidence de la comtesse Mahaut d'Artois jouissait d'une splendide vue sur la Seine depuis ses jardins en terrasses.
Au-delà de Conflans, le long de la Seine, le vaste domaine de Bercy et ses dépendances venaient buter contre l'enceinte de Paris. A la conquête d'espaces nouveaux, la capitale en repoussa les limites de nombreuses fois, diminuant ainsi peu à peu le domaine de Bercy, et réduisant d'autant le territoire de la paroisse de Conflans, puis après la Révolution, celui de la commune de Bercy, créée en 1790.
Château et hameau de Conflans. Gravure. XVIIIe siècle. Arch. Mun. Charenton.
Les grandes mutations : industrialisation et urbanisation au tournant du XIXe
Les premières décennies du XIXe siècle furent marquées par le début de l'industrialisation du territoire charentonnais : un important four à céramique ouvrit sur le chemin de Paris (au 107 rue de Paris), précurseur d’une intense activité dans la seconde moitié de ce siècle. Une usine métallurgique, la Fonderie anglaise, ancêtre des aciéries du Creusot1, s'installa dans les bâtiments du Couvent des Carmes. Ceux-ci furent rayés de la carte par l'arrivée de la première voie du chemin de fer du Paris-Lyon-Marseille inaugurée en août 1849. Cette longue saignée coupait radicalement le territoire d'ouest au sud. Elle assura néanmoins la croissance de la ville tant sur le plan économique que démographique. En effet, la population charentonnaise passa de 3500 habitants en 1846 à 4500 dix ans plus tard et dépassa le cap des 11000 habitants en 1881.
Avec le Second Empire, Charenton entra dans une phase de mutations profondes marquée par les extensions urbaines et les aménagements du réseau de communication. Cette nouvelle organisation de l'espace vint s'inscrire dans un mouvement général de développement des zones d'activités du pays et plus particulièrement de Paris et de sa banlieue. Alors que Charenton, depuis le Moyen-Age, s'était déployée le long des rivières, l'agglomération partit à la conquête de nouveaux territoires.
Plan de Charenton, 1874. Arch. Mun. Charenton
Ainsi, au nord de la rue de Paris, à l'emplacement de l'ancien parc du Pavillon du Cadran et à la limite sud de la plaine de Bercy, le quartier du Centre sortit de terre dans la seconde moitié du XIXe siècle. L'urbanisation d'anciens terrains de culture compris entre la rue de Paris et le Bois de Vincennes compléta cet ensemble urbain après leur vente en 1860 par l'héritier des Malon de Bercy2 à la Ville de Paris.
En 1859, la paroisse Saint-Pierre déplaça son foyer religieux dans l'église nouvellement construite, à l'emplacement du clos des Arquebusiers. Conflans perdit ainsi le siège de la paroisse dont l'église, vendue aux Dames du Sacré-Cœur, fut démolie en 1859.
Église Saint-Pierre de Charenton
A proximité du nouvel édifice cultuel, le premier groupe scolaire de la Ville – les écoles du Centre, que l’on connait aujourd’hui sous le nom de groupe Aristide Briand - accueillit les jeunes Charentonnais dès la rentrée de 1865.
École Aristide Briand
La démolition du château de Bercy en 1861 ne fit qu’accélérer ce phénomène d’urbanisation.
Domaine de Bercy
Entrepôts de Bercy
Destinés au négoce des vins, spiritueux, bois et fontes, le quartier des Magasins Généraux fut créé à l’emplacement des jardins du château de Bercy, entre la voie ferrée et la Seine. Il fut ensuite complété par un port ainsi que la gare de Bercy-Conflans.
La Compagnie du Parc de Bercy, gérante de l'ensemble, y construisit 51.000 m² de celliers reliés par un réseau d'égouts et une voirie privée de 10 kilomètres que sillonnaient des voies ferrées reliées à la gare de Bercy-Conflans ouverte après 1869.
Quais de Bercy
Au cours des années 1860, on ouvrit une nouvelle voie navigable, le canal de Saint-Maurice, toujours dans l’idée de fluidifier l’accès des marchandises à Paris. On aménagea les quais assurant l'accès à la capitale ainsi que la desserte du Pont (reconstruit en 1861-1863). Enfin trois ports furent créés le long des cours d'eau : l’un sur le canal de Saint-Maurice, l’autre aux Carrières et le dernier aux Magasins Généraux.
Écluse de Gravelle
L’après-guerre : le nouveau visage de Charenton
La rénovation du quartier des Carrières fut commencée en 1965, préfigurant l'ensemble des travaux qui remodelèrent l'espace urbain charentonnais au cours des trois dernières décennies du XXe siècle. Les 885 logements construits sur les dix hectares de terrain compris entre les quais et le chemin de fer, furent entièrement rasés. Ainsi disparut le vieux village des Carrières.
Quai des carrières
A la place, les aménageurs implantèrent un ensemble de bâtiments, îlot urbain de 1167 logements et de 20.000 m² de bureaux ainsi qu’une nouvelle voie à grande vitesse. En effet, l'autoroute A4 ouverte à la circulation en 1975, emprunte le tracé du canal de Saint-Maurice comblé en 1952, puis longe le cours du fleuve.
A Conflans, l’ultime vestige du passé aristocratique de Charenton - l'aile ouest du château - fut livré à la pioche des démolisseurs en 1967.
A l'ouest aux limites de la capitale, les Magasins Généraux furent remplacés au cours des années 1980 par le Nouveau Bercy. Dominé par un bâtiment, œuvre de l’architecte Renzo PIANO, abritant un centre commercial, ce quartier comporte désormais des immeubles de bureaux et de logements, ainsi que des équipements culturels et sportifs.
Bercy 2
Dans le quartier de Valmy à la même époque, le complexe de Valmy-Liberté vit le jour sur le quadrilatère délaissé par les établissements NICOLAS qui regroupe des activités tertiaires, des logements ainsi que des équipements municipaux.
Ancienne façade Nicolas, Valmy-Liberté
Seul survivant de ce riche passé, le vieux Pavillon, heureusement restauré, est toujours présent, vigie multiséculaire veillant sur le seul quartier qui conserve encore l'empreinte de cette longue histoire, l'ancien Bourg-du-Pont, cœur historique de Charenton-le-Pont.
Pavillon Antoine de Navarre - Mairie
1 Où elle finit par émigrer.
2 Famille de la noblesse française et dernière propriétaire du château de Bercy, très proche du pouvoir royal depuis le XVIe siècle et qui s’éteignit dans le courant du XIXe siècle.
3 Château de Conflans dont le corps central avait été démoli en deux temps (1917 et 1920).